Main menu

La voiture électrique : moins branchée que prévu

Pas de prise, pas de voiture. Le nombre de véhicules électriques reste encore faible en Gironde, mais la CUB et la ville de Bordeaux ont fait le pari d’investir massivement dans l’équipement en bornes de recharge. Installation de prises dans les parkings souterrains, appel d’offre pour équiper la ville en bornes nouvelle génération à charge rapide, projet de voitures électriques en libre-service… L’engouement des bordelais pour l’électrique est-il si important ? Ou les collectivités surestiment-elles leurs équipements en matière de recharge ? Voici quelques éléments de réponse.

Les points de recharge pour les véhicules électriques dans la CUB

Sur la carte ci-dessus, sont présentées les différentes stations de recharge. La taille du cercle varie en fonction du nombre de prises. Sont colorées en rose les prises classiques, en bleu les prises « Maréchal », en jaune les prises adaptables et en vert les prises dédiées aux véhicules Renault.

33. C’est le nombre de points de recharge pour véhicules électriques sur le territoire de la Communauté Urbaine de Bordeaux (CUB). Principalement situées dans les parkings du centre-ville, les bornes offrent au total 115 prises, de type Maréchal pour les voitures de première génération et/ou de type classique pour les modèles les plus récents.

Gratuit. La recharge des véhicules n’est pour l’instant pas facturée aux utilisateurs des bornes. Dans le cas d’un parking payant, ils doivent cependant s’acquitter du prix du stationnement.

6 à 8 heures. C’est le temps de charge moyen d’une voiture électrique sur une borne « classique ». Aujourd’hui, une nouvelle génération de prise a vu le jour, qui permet de recharger son véhicule en moins de 45 minutes.

150 km. C’est la distance que l’on peut parcourir avec une voiture entièrement chargée, à une allure constante de 50 km/h. Mais ce chiffre ne prend pas en compte le poids des passagers, la force d’inertie du véhicule, et les aléas de la route (montées, descentes, etc.).

De 10 000 à 30 000 €. C’est ce que coûte l’installation d’une borne de recharge électrique en ville, selon son emplacement, les branchements à effectuer et le type de borne.

Des bornes au service des collectivités

Apposé sur l'entrée de ce parking souterrain de la CUB, une pastille signale aux automobilistes qu'ils peuvent recharger leur véhicule électrique, ce qui n'est pas toujours le cas.

Apposée sur l’entrée de ce parking souterrain de la CUB, une pastille signale aux automobilistes qu’ils peuvent recharger leur véhicule électrique, ce qui n’est pas toujours le cas.

Les bornes disposées dans les parkings de la CUB au début des années 2000 sont surtout destinées à recharger le parc automobile de ses propres services. Désignée agglomération pilote par l’État avec plusieurs autres villes et encouragée par des aides du Ministère de l’Environnement, la Communauté urbaine a investi massivement en s’équipant de 91 véhicules électriques. La plupart des parkings de l’agglomération est dotée de bornes ouvertes à tous. Les mairies des 27 communes de la CUB ainsi que tous les bâtiments communautaires ont également été dotés de prises de recharges réservées aux véhicules des employés. Bordeaux fait donc office de bon élève en matière d’électrique, jusqu’à en oublier parfois les particuliers.

C’est la galère pour se brancher

Si certains sites Internet indiquent la plupart des points de recharge disponibles sur le territoire, les informations concernant l’emplacement exact des bornes laissent encore à désirer : peu mises à jour et parfois approximatives. Et aucune information de la part de la CUB ou de la Ville de Bordeaux : les emplacements des bornes de recharges sont uniquement renseignés par des internautes.

Ce n’est guère mieux sur le terrain. Dans la CUB, de nombreux parkings souterrains n’indiquent ni à l’extérieur ni à l’intérieur la présence de bornes de recharge. Quand elles sont annoncées, elles restent difficiles à trouver, souvent dissimulées au milieu de places classiques. A certains endroits, les bornes ne sont pas accessibles directement, fermées par des barrières qu’il faut déplacer avec l’accord du responsable. Un véritable parcours du combattant, qui peut devenir une grosse galère quand la batterie est à plat.

Les projets d’amélioration du réseau…

Si les modèles de voitures électriques sont en constante évolution, les infrastructures qui les accompagnent ne sont pas en reste. A Bordeaux, on planche déjà sur l’amélioration de l’offre de bornes de recharge.

Adaptabilité des bornes. Actuellement, la plupart des bornes disponibles dans les parkings de la CUB sont de type Maréchal, une prise uniquement compatible avec les modèles de véhicules électriques vendus avant 2012. Afin d’en permettre l’utilisation au plus grand nombre, la CUB envisage de remplacer progressivement ces prises par des prises « classiques », adaptées à la plupart des nouveaux véhicules.

Un temps de charge réduit. Recharger sa voiture (presque) aussi rapidement que si l’on faisait un plein d’essence. C’est l’un des projets de la Ville de Bordeaux pour les années à venir. Une première borne de recharge rapide, offerte par Nissan, a été installée quai Richelieu l’an dernier. La ville fait aujourd’hui un appel d’offres pour en implanter de nouvelles « dans les quartiers périphériques et sur la rive droite ». Vingt nouvelles bornes de ce type devraient être installées dans les années à venir. Le jeune fabricant de bornes Evtronic, basé à Pessac, espère en assurer l’installation.

Des voitures en libre service. Après l’Autolib de Paris, le groupe Bolloré projette d’implanter sa Bluecar à Bordeaux en 2014. L’objectif ? Proposer une voiture électrique en libre-service permettant aux utilisateurs d’effectuer de petits trajets urbains à partir de stations réparties dans l’ensemble de la ville. Un bon moyen de tester la conduite électrique « beaucoup plus agréable que la conduite classique », selon une utilisatrice. Avec un investissement de plus de 20 millions d’euros, le projet prévoit l’implantation de 90 voitures et 180 bornes de recharge sur l’agglomération.

…seront-ils suffisants pour créer l’engouement ?

Malgré l’effort des collectivités, le marché de la voiture électrique reste encore confidentiel, freiné par de nombreuses contraintes.

Les enjeux politiques de la voiture électrique en France

Frein financier. La voiture électrique coûte cher : de 20 000 à plus de 30 000 € pour les particuliers. Un prix dissuasif que tente de pallier l’État en proposant un bonus écologique de 7 000 € à l’achat. Cependant, et malgré l’argument des constructeurs pour qui « la rentabilité est vite atteinte puisqu’il n’y a plus de coûts liés à l’essence ou l’entretien », les frais totaux d’utilisation s’avèrent moins « gratuits » que prévus. Entre l’installation d’une borne à domicile nécessaire pour certains modèles de voitures, le paiement des parkings souterrains pour la recharge et l’utilisation parfois indispensable des transports en commun en complément, la facture peut vite être salée.

Frein matériel. A chaque voiture son mode de charge – ou presque ! Avec différents modèles de câbles, de prises, de temps de charge et d’autonomie, difficile pour un particulier de s’y retrouver. Certains constructeurs planchent sur un éventuel modèle universel, mais pour l’instant, rien de concret. Mais l’uniformisation est loin de voir le jour puisque les constructeurs allemands, pour ne citer qu’eux, souhaitent développer leur propre système.

Frein sociétal. A l’heure actuelle, une voiture électrique n’est pas encore en mesure de remplacer totalement une voiture classique. Son autonomie limitée – environ 150 km – et l’inégalité de répartition des bornes sur le territoire obligent les automobilistes à repenser leur utilisation de la voiture. « Les gens doivent penser l’électrique comme un véhicule secondaire », explique David Cruz, directeur des ventes chez Nissan, à Bruges.

Optimisme chez les constructeurs

La Leaf de Renault

La Leaf de Nissan est sur le marché depuis un an

Leaf, Zoé, Ion… autant de petits noms pour les nouvelles voitures électriques lancées sur le marché par les constructeurs depuis moins d’un an. Si les ventes sont réelles mais pas incroyables, tous sont unanimes : il est aujourd’hui trop tôt pour se prononcer sur le succès ou non de la voiture électrique. Les projections à terme restent raisonnables : 10 % du marché total de l’automobile dans le meilleur des cas. « Si on atteint ces 10 %, on sera les rois du pétrole ! » ironise David Cruz.

Pour les constructeurs de bornes, le développement du marché reste prometteur. « Quand on parle de 10 %, comme ça, ça paraît peu, mais sur un marché aussi important que celui de l’automobile, cela représente déjà énormément », explique le responsable des ventes d’Evtronic.

Même constat chez Renault, leader du marché avec 80 % des voitures électriques vendues en France. « On ne pourra pas remplacer le marché de l’automobile classique, mais on s’implante bien. Sur le premier trimestre 2013, nos ventes atteignent leurs prévisions », explique un vendeur spécialiste de la Zoé, dernière née de la gamme.

Better place : mauvais placement en Israël

Le constructeur Renault s’est allié à l’israélien Shai Agassi en 2007. Ils avaient l’ambition d’équiper massivement Israël en voitures électriques, jusqu’à 100 % du parc automobile en 2016. Cette opération est un échec cuisant, puisqu’une centaine de véhicules seulement s’est vendue. La Renault Fluence était pourtant proposée au prix de 15.000 € contre 26.000 € en France.

Marine Ditta, Ludivine Laniepce et Marion Lizé

Le Making-Of

Il est possible de recharger sa voiture électrique via ce type de prise classique, mais presque exclusivement dans les parkings souterrains.

Il est possible de recharger sa voiture électrique via ce type de prise classique, mais presque exclusivement dans les parkings souterrains.

33 bornes, 115 prises, et une journée entière : c’est le temps qu’il nous a fallu pour tout visiter. À bord d’une Peugeot 106, nous avons parcouru près de 90 kilomètres dans la Communauté Urbaine de Bordeaux. Malgré la présence d’une antique «Pastille verte» sur le pare-brise, nous avons rejeté environ 140 g de CO2. Le prix à payer pour mener une enquête sur la « voiture propre ». Heureusement que nous n’avions pas envisagé notre périple en voiture électrique, notre batterie aurait fini à plat !

« Ah vous voulez savoir si on a des prises pour les voitures électriques ? Pourquoi vous n’avez pas regardé sur Chargemap.com ? » Cette réponse des concessionnaires et des collectivités locales, nous l’avons entendue à plusieurs reprises. Mais ce site Internet, considéré comme LA référence, n’est pas mis à jour régulièrement et ses données sont parfois erronées. Entre les bornes inexistantes et les prises plus nombreuses que prévu, nous sommes allées de surprise en surprise.

Une fois perdues dans les méandres des parkings, nous avons dû faire face à deux nouveaux problèmes : trouver les fameuses bornes et gérer notre détresse respiratoire. Parce que caché – c’est plus drôle – les points de recharge ne sont généralement pas indiqués, et c’est un véritable parcours du combattant pour les repérer, souvent sournoisement dissimulés au niveau -5 dans un coin sombre, avec des barrières devant, ou couplés aux places pour handicapés. Et puis passer sa journée à arpenter les parkings souterrains n’est pas sans risque pour la santé. Nos poumons l’ont constaté à leurs dépends : on y respire mal, très mal.

Enfin, le pompon revient à nos rares interlocuteurs qui semblaient redécouvrir l’existence de ces bornes lorsque nous abordions le sujet. A la fin de cette journée, une seule certitude : tout compte fait, la Peugeot 106, c’est pas si mal.

M.D., L.L. et M.L.

On trouve ce type de prise Maréchal dans certains parkings souterrains de la CUB.

On trouve ce type de prise Maréchal dans certains parkings souterrains de la CUB.

Vous pouvez encore consulter le site du datajournalismelab de 2012. Outre les productions des étudiants, vous y trouverez des documents visant à partager les expériences et la réflexion des nombreux acteurs de ce laboratoire autour d’un modus operandi de la formation au datajournalisme.