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Déchets à Bordeaux : tous à la même enseigne ?

Une poubelle, ça pue. Les petits sacs en plastique dédiés à récolter les précieuses crottes de votre caniche ne sont pas sexy. Vous fréquentez les toilettes publiques uniquement en cas d’urgence. Vous développez avec les cendriers de rue une coexistence pacifique. D’accord, ce mobilier urbain n’est pas glamour. Mais il est indispensable à la vie en collectivité. Sur ce terrain, les quartiers se battent-ils avec les mêmes armes? État des lieux de l’implantation du mobilier urbain dédié à la propreté de Bordeaux.

Répartition des équipements publics par quartier

Qui fait quoi ? Combien ça coûte ?

Qui décide de la politique d’équipement à Bordeaux ?
Les compétences sont réparties entre deux collectivités : la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) et la ville. La CUB a la charge de la collecte des déchets, c’est elle qui s’occupe des containers à poubelles. La ville, elle, a à sa charge la totalité des mobiliers urbains sur la voie publique, ainsi que le nettoyage de la voie publique et des espaces publics. C’est la ville qui décide de l’implantation de sanitaires publics, des cendriers et des corbeilles.

Quels sont les organismes chargés de la maintenance des équipements ?

La ville de Bordeaux compte 8 centres de propreté implantés dans chaque quartier. Sur le modèle de la ville de Paris, il y a un centre de propreté par quartier et chacun est sous la direction du maire de quartier. Un centre de coordination situé sur les quais de Paludate regroupe toutes les équipes d’agents de maîtrise. Les déchetteries sont, quant à elles, en périphérie.

Quel est le budget de la ville dédié à ces infrastructures ?
300 000 euros sont investis chaque année dans le matériel de mobilier urbain de propreté tout confondu : les poubelles, les cendriers et les dévidoirs à sachets canins.

Combien de personnes sont affectées à la gestion des infrastructures publiques ?
250 personnes sont chargées de la propreté à Bordeaux. Attention, ces chiffres ne concernent pas les effectifs des éboueurs, qui travaillent à la communauté urbaine.

Combien d’agents travaillent dans le centre-ville ?
L’équipe du centre-ville compte deux groupes : 36 hommes travaillent le matin de 5h30 à 12h40, 22 hommes travaillent l’après-midi de 13h à 20h40.

A quel rythme les poubelles sont-elles vidées en centre-ville ?
Les poubelles de l’hyper-centre-ville sont vidées 4 fois par jour. Celles du quartier de Caudéran ne sont vidées que deux fois par semaine.

Quels sont les critères de la ville pour déterminer l’emplacement des équipement publics et leur nombre ?
La mairie justifie l’implantation des équipements en fonction de la fréquentation des espaces publics. Ainsi les quais et l’hyper centre-ville font l’objet d’une attention particulière, car ce sont les deux endroits les plus fréquentés de la ville qui doit faire face à un afflux de 3 millions de touristes par an. La ville a donc choisi d’adapter ses moyens en fonction de la période durant laquelle les visiteurs sont les plus nombreux, soit entre le 1er mai et le 30 septembre. En chiffres, cela s’est traduit par un investissement d’un peu plus d’un million d’euros sur le budget 2012.

Y a-t-il suffisamment d’équipements en fonction du nombre d’habitant ?
D’après Jean-Louis David, l’adjoint au maire en charge de la salubrité et de la proximité, « il n’y en a jamais assez et le comportement de nos jeunes concitoyens les soirs de fête pourrait laisser penser que nous manquons de sanitaires publics. Mais ce sont des dépenses lourdes pour une collectivité. » La ville doit également veiller à ne pas défigurer l’esthétique des paysages urbains, c’est pourquoi toute nouvelle demande d’équipement doit être scrutée à la loupe.

Quel est le coût des toilettes publiques ?
Les toilettes publiques coûtent 800 000 euros par an, il s’agit d’un coût de location, de gestion et d’entretien des sanitaires. Un concessionnaire les vend « clefs en main » à la ville, c’est à dire qu’il les nettoie et en vérifie le bon fonctionnement tous les jours.

Quelles sont les principales plaintes des habitants ?
Poubelles qui débordent, rues pestilentielles, odeurs d’urine, telles sont les critiques qui fusent lors des réunions de concertation de quartiers. De même, le centre de coordination des services de propreté reçoit près d’une trentaine de plaintes par jour au sujet de la propreté. Richard Etchecopar, responsable au centre de coordination, en donne un exemple : « Bonjour, je suis habitant des terrasses d’Armagnac, quartier Belcier, le couloir de sortie de secours du gymnase en sous-sol sert actuellement de latrines aux prostituées de la rue Beck. Serait-il possible de le faire nettoyer et de leur installer des sanitaires ? ».

Quels sont les projets de la ville en matière d’équipement de propreté ?
La mairie a pour projet d’implanter d’autres sanitaires à l’issue de son contrat avec l’opérateur qui vient à expiration en 2014. Un appel d’offre sera lancé en 2013 afin d’obtenir un plus grand nombre de sanitaires pour le même prix.

Où ces nouveaux sanitaires seront-ils implantés ?
Sur les quais, dans l’hyper centre-ville, mais aussi rive droite. Des urinoirs portatifs devraient également être installés dans l’hyper-centre-ville lors des manifestations culturelles, telles les Epicuriales et la Foire aux Plaisirs. A ce jour, dix urinoirs ont été commandés.

Quel est le coût d’un sanitaire public ?
25 000 euros par an.

Quel est le coût d’un dévidoir à sachets pour les chiens ?
Les dévidoirs coûtent 100 000 euros par an. D’après l’adjoint au maire Jean-Louis David, en charge de la salubrité, cette dépense est disproportionnée au regard de l’usage qui en est fait : « Certains n’hésitent pas à voler la moitié des sachets sans en laisser aux autres. Je compte prochainement faire une demande au maire pour faire payer ces sachets. »

Quels sont les obstacles rencontrés par les services de propreté ?
L’hypercentre présente un urbanisme contraint et ses rues sont étroites. Pour les équipes de propreté, une difficulté s’ajoute dans le quartier qui s’étend de Pessac à la Victoire : très étudiant, ce quartier concentre la majorité des problèmes d’encombrants, tels que les matelas abandonnés lors des déménagements estudiantins.

 

Focus : Caudéran ne se plaint pas

 Dans les rues de Caudéran où se côtoient grands immeubles modernes et vieilles maisons bourgeoises, peu de traces de déchets ou de saleté excessive. Et pourtant, rapporté au nombre d’habitants, Caudéran est le quartier le moins bien équipé de Bordeaux en poubelles, cendriers, sacs à déjections canines et toilettes publiques. Pourquoi ?

« On a très très peu de besoins sur Caudéran. Chaque quartier a ses problématiques. A Caudéran, il n’y a pas de problématique » affirme Richard Etchecopar, coordinateur de quartier au centre de propreté de Paludate. Alexandre Marsat, lui, a été candidat d’Europe Ecologie Les Verts dans la circonscription lors des dernières élections législatives. Il explique « les équipements se concentrent dans l’hypercentre mais c’est parce que c’est davantage un lieu de vie avec beaucoup de passage » avant d’ajouter « à Caudéran il y a un vrai sentiment de manque d’équipements sportifs, de manque de transports et de prise en charge des personnes âgées. La ville a concentré ses efforts sur la Bastide et les quais, où la droite sait qu’elle a des voix à gagner. »

Caudéran a beau occuper la dernière place en matière d’infrastructures dédiées à la gestion des déchets, cela ne semble pas poser de problème au quotidien parce que ce n’est pas un quartier de passage. « Mais c’est le problème de l’œuf et de la poule. Si on y mettait plus d’équipements publics, il y aurait peut être plus de vie. C’est un cercle qui s’auto-entretient » conteste Alexandre Marsat. De son côté, Odile Noël, la gérante d’un tabac, à deux pas du parc bordelais a sa petite idée pour expliquer la propreté des rues : « Juppé habite à côté, du coup le quartier est bien géré. Toutes les dispositions nécessaires sont prises » glisse-t-elle, entre deux clients.

Charlie Duplan, Jenny Stenton et Malik Teffahi-Richard

Vous pouvez encore consulter le site du datajournalismelab de 2012. Outre les productions des étudiants, vous y trouverez des documents visant à partager les expériences et la réflexion des nombreux acteurs de ce laboratoire autour d’un modus operandi de la formation au datajournalisme.