La Gironde prend un coup de vieux
De plus en plus de personnes âgées dépendantes en Gironde. Mais moins de places en maisons de retraite. Le maintien à domicile est-il la panacée ? Enquête.
L’heure de la retraite a sonné pour les baby-boomers. En Gironde, comme ailleurs en France, les plus de 75 ans sont toujours plus nombreux. Selon les prévisions de l’INSEE, en 2010, ils représentaient 8,7 % de la population et atteindront 15,5 % en 2050.
Plus de personnes âgées, ça veut aussi dire plus de personnes dépendantes. Elles partagent pour la plupart une même volonté : rester chez elles. Le sondage d’Opinion Way publié en 2012 montre que 90 % des français préfèrent adapter leur logement plutôt que d’intégrer une maison de retraite. Sur le territoire girondin, depuis 2002, les personnes âgées bénéficiant de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) et vivant à domicile, ont augmenté plus vite que le nombre de bénéficiaires de cette allocation en établissement.
L’APA, c’est quoi ?
L’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) est allouée aux personnes de plus de 60 ans dépendantes, c’est-à-dire aux personnes ayant besoin d’aide pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne ou besoin d’une surveillance régulière. Le montant de l’allocation est calculé en fonction des ressources du demandeur, de ses besoins et de l’importance de la dépendance. L’allocation est attribuée ou non, après visite d’une équipe médico-sociale selon des critères précis (Grille AGGIR). Cette allocation est principalement financée par le département.
Du côté des sociétés ou associations de services d’aide aux personnes âgées à domicile, c’est le boom ! A Bordeaux, on compte 26 entreprises de services et une quinzaine d’associations offrant ce genre de prestations. A l’Association de Services et d’Aide à domicile (ASAD), les employés n’ont pas de répit. « On propose des services aux personnes âgées pour les aider à effectuer des tâches, en fonction de leur degré de dépendance », explique Véronique Navarro, une des responsables de l’Association. « Si elles sont classées 5 ou 6 dans la grille GIR, ça sera principalement du ménage et des courses. Si elles sont classées de 1 à 4, les tâches sont étendues à la préparation des repas et à l’aide au lever et au coucher. »
Si les aides à domicile ne manquent pas, encore faut-il avoir les moyens de faire appel à leurs services. « A 20,50€ l’heure, cela revient très cher. Et quand une personne est très dépendante et a besoin d’être aidée plus de trois heures par jour, cela devient très lourd financièrement pour les familles », regrette-t-on à l’ASAD. « Pour une prise en charge 24 heures sur 24, c’est 5000 euros par mois », précise la gérante d’Auxilia dom, une structure privée d’aide à domicile. Pour les moins aisés, l’entraide familiale reste la seule solution. Selon le récent sondage du Figaro, 56 % des français aident régulièrement un parent.
« Il faut tout de même être réaliste, au delà d’un certain seuil de dépendance, le placement en hébergement devient absolument nécessaire », affirme la responsable de l’ASAD. Sauf qu’en Gironde, le nombre de places en Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) ne suit curieusement pas la tendance démographique. Il est même en diminution : on comptait 11904 lits en 2011, contre 11645 en 2012.
Même si aujourd’hui le manque de places en EHPAD est souvent décrié, la plupart des directeurs des ces structures girondines n’ont pas de liste d’attente de plus de 20 personnes. « Nous on est un peu la dernière phase, la maison de retraite, c’est le mouroir pour nos résidents », explique une directrice d’EHPAD bordelaise.
Et le mouroir coûte cher. En moyenne, une personne âgée devra débourser 64 euros par jour pour vivre en EHPAD. « En fait, aujourd’hui, si l’on est vieux, il faut être riche, c’est le seul moyen de s’en sortir. Si on n’a pas d’argent et que ni nos enfants ni nos petits-enfants peuvent nous aider, il n’y a pas de solution ! », conclut Véronique Navarro.
« Le maintien à domicile, c’est le choix des français », martèle Michèle Delaunay, la Ministre Déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie. Son projet de loi, qui devrait voir le jour avant la fin de l’année, mise principalement sur la prévention, de manière à retarder au maximum la dépendance des seniors. S’il est prévu d’améliorer les différentes aides publiques et d’encadrer les tarifs des établissements d’accueil, le gouvernement souhaite avant tout garantir la possibilité pour les personnes âgées de rester chez elles. La Ministre assure que quelques 80 000 logements seront adaptés aux besoins des personnes dépendantes. Mais tous ces projets restent vagues et aucun plan d’action concret n’a pour l’instant été voté.
Florence Giroux, Andde Irosbehere et Xavier Martinage